lundi 30 janvier 2012

Mai Chau, premier jour


Le lendemain du Têt, soit le mardi 24 janvier, nous sommes partis sur le coup de 9h30 avec nos voisins pour Mai Chau.

Pour vous situer un peu, je vous présente nos voisins. Maurice a 65 ans environ, il est français, ancien de l'aviation civile, officiellement à la retraite mais adorant organiser des voyages avec son associé vietnamien, atteint de bougeotte à travers le monde entier. Il est marié depuis 6 ans avec Hang, une charmante vietnamienne dont il a adopté le fils, Xiuan. Ce sont nos voisins de gauche, ils nous ont adopté ou presque nous aussi dès notre arrivée: trois jours après notre emménagement ils nous proposaient déjà de nous emmener avec eux pour ces petites vacances à Mai Chau.

Mai Chau, c'est dans la province d'Hoa Bihn, sur la route coloniale qui menait à Dien Bien Phû. Bourgade de 500 habitants, ça ne présente pas en soit un intérêt délirant, mais les villages environnants et la région sont peuplés par les ethnies Hmong et Thaï, dans de très beaux paysages.

Nous voilà donc dans notre minibus, partis pour 130 km soit 3h de route, ce qui vous laisse imaginer un trajet cocasse. Ladite route n'était pas dans un état trop lamentable, mais on ne roule jamais vite à cause des innombrables scooters, bus fous, vaches, et autres obstacles. De plus, il a fallu passer un col montagneux dans un purée de poix incroyable. On roulait à 15km/h, en n'y voyant pas à 2m, ce qui a eu le mérite de réduire les sauts périlleux qu'on faisait dans la voiture (et encore moi j'étais devant, je n'ai pas subi 1/3 des secousses que les autres ont eu derrière, cramponnés avec les dents dans leur banquette farceuse). Maurice était un peu déçu pour le panorama, mais surprise, en descendant du col, ça s'est éclairci d'un coup, et là on a eu un paysage très sympathique, d'autant plus apprécié qu'on pensait être noyé dans un brouillard effarant tout le trajet.

Les montagnes couvertes de forêt primitive où personne ne met les pieds, les maisons colorées de la ville et les mosaïques de rizières : bienvenue à Mai Chau!
Notre fine équipe d'explorateurs : en haut Xavier, Emmanuelle, Joachim, en bas Xiuan, Hang, Manon et Maurice, plus votre humble correspondante.
Après notre petite pause panoramique, on descend avec le minibus jusque dans la vallée où il faisait agréablement plus doux que de l'autre côté du col. On traverse Mai Chau, qui ressemble un peu à une ville morte : ici beaucoup plus qu'à Hanoï, les effets désertiques du Têt se font ressentir. Déjà sur la route presque tous les magasins étaient fermés dans les bourgades traversées, et il y avait peu de monde sur la route. Maï Chau en soit n'a aucun intérêt, disons-le, sauf quand on en sort pour atteindre notre village à nous.

Et là, le coup de foudre, on sort en piaillant de la voiture des "hooooo", "haaaaa", "haaaaaaan", et "c'est booooooooo". Toutes les maisons sont construites en bois ; on les pose sur des dalles de ciment (autrefois de brique), on bâtit une structure sur pilotis, et on termine avec un toit en tuiles de bois vernissé ou en feuilles de bananier. Nous logeons chez Madame Chung, qui a aménagé sa maison pour recevoir des visiteurs dans un cadre authentique (la seule concession au tourisme est la présence d'une pseudo salle de bain, soit un cagibi avec des toilettes et une douche).

Voilà, la maison sur pilotis vue de profil au-dessus du petit plan d'eau, avec les palmiers, les nénuphars rose, c'est-y pas mignon tout ça? 
Notre maison vue de l'intérieur, tout en bois, des nattes d'osier tressé au sol, matelas avec une tonne de couettes et moustiquaires: le grand confort. 
La vue depuis nos fenêtres. De voir l'horizon à nouveau après l'encombrement urbain d'Hanoï : que du bonheur... 


A l'arrivée, Madame Chung nous sert une bonne plâtrée de nouilles sautées au poulet et aux petits légumes, histoire de nous remettre du trajet et de nous caler le ventre pour l'après-midi. Bien revitalisés, on décide de louer des vélos et de partir à l'aventure en suivant une piste qui fait le tour d'un petit monticule au milieu des rizières. Les dits vélos étaient cocasses (ma selle n'arrêtait pas de se barrer en arrière et il fallait sauter dessus à pied joint pour la remettre), et qui plus est au bout de 1 minute en sortant du village il a fallu traverser un petit ruisseau praticable uniquement à pied (on avait pas franchement des VTT), d'où le fait qu'on s'est retrouvé avec les pieds trempés et gelés pour tout le reste de l'après-midi, soit trois heures de ballade environ. Mais ça a été formidable quand même!

On a roulé au milieu des rizières, qui ne sont pas encore repiquées pour le moment ; les plants de riz attendent sagement un temps plus clément sous des baches. Ca faisait une mosaïque pas encore resplendissante de verdure, mais déjà très jolie à regarder.
On a traversé des villages de maisons sur pilotis bien plus anciennes que la nôtre, où les gamins et même les adultes nous faisaient de grands coucous en criant "Helloooo! Happy New Yeaaaaaar!", où les poules et les chiens venaient nous renifler le mollet d'un air curieux. Il y a des tonnes de petits chiens, des espèces de bâtards sable et noir, qui ont vraiment des bonnes têtes, et qui se dressent en sentinelle dès qu'on passe. Il y en avait un qui n'a pas bougé d'un centimètre, étalé au milieu de la route;  à chaque fois qu'on est passé il ouvrait vaguement un oeil sans bouger d'un poil (on aurait dit le mexicain dans Lucky Lucke, qui dort au milieu de la voie ferrée et qui râle parce que ce satané train le dérange une fois par semaine pendant la sieste).
On est passé devant des maisons sous lesquelles étaient installées des tables de billard, et au-dessus dans les arbres et la charpente il y avait des tas de cages à oiseaux. Ca jouait donc au billard au son de chants de petits mandarins et rossignols, entrecoupé des rires et cris d'enthousiasme du jeu.
On s'est arrêté devant une "maison de la culture du peuple", où les habitants du village jouaient de la musique sur un tambour et deux sortes de cymbales ; en moins de 5 minutes ils nous ont proposé d'essayer, nous ont entraîné dans une ronde en chantant, et ça s'est terminé en grands éclats de rire. Il y a ici une spontanéité et un accueil absolument incroyables, et on sent que les gens ont juste envie d'être gentils, de partager cinq minutes de rire ensemble même si on n'a pas de langage en commun.
On a traversé des petites rivières sur un pont en bambou et en bois, accompagnés par les vaches qui passaient en même temps que nous, au son des cloches en bambou qu'elles ont au cou.
On est revenu par le petit village tout proche du nôtre, plus touristique, où les filles des minorités exposent un tas d'objets, de vêtements, d'écharpes, etc, qu'elles tissent elles-mêmes à longueur de journée. Chaque maison a son métier à tisser, sur lequel on confectionne toutes sortes d'étoffe. (Là, c'est la partie où j'ai poussé des petits piaillements en courant partout avec un air hystérique parce que je voulais tout acheter, mais Hang m'a convaincue de retourner poser le vélo et prendre un goûter chez Mme Chung, et qu'on reviendrait après).

Le paysage est d'une luxuriance et d'un vert incroyable, et encore, "là il a fait un peu sec ces derniers temps, par rapport à d'habitude, c'est assez étonnant". 

Au loin, des petits villages aux maisons de bois et de chaume, calées entre les rizières et les collines couvertes de forêt.

... lesquelles forêt ne sont pas forcément constituées d'arbres, mais aussi et surtout de bambous immenses, qui faisaient entre 6 et 10 mètre de haut. 












Je voulais emmener les deux petits chiens, mais Manon a dit qu'on les mangerait au bout des six mois à Hanoï pour ne pas se fendre le coeur en les abandonnant sur place, alors finalement non... 




De façon assez étonnante, partout on trouve des drapeaux vietnamiens,  ainsi que le drapeau du Parti avec faucille et marteau, même dans les villages les plus reculés. C'est moins étonnant finalement quand on sait que c'est une obligation de le mettre devant toutes les maisons et bâtiments. 

Pour le goûter on a eu une séance assez cocasse. On buvait un thé en mâchonnant des gâteaux, Hang faisant office de mère nourricière ; elle a toujours dans son sac des bonbons, des fruits, des trucs à grignoter, des fois qu'on meurt de faim en route. On regardait faire la mère de Mme Chung, soit une vieille dame de 60 ans environ, toute maigre, enturbannée d'un beau foulard bleu, les lèvres rougies et les dents noircies par le bétel qu'elle a dû chiquer toute sa vie, comme beaucoup de femmes des ethnies Hmongs. Bref, cette dame cueillait des caramboles dans un arbre de la cour, à l'aide d'une bouteille coupée en deux enfilée sur un manche à balai (ici ce sont les rois de la débrouille). Quand elle a vu que ça nous plaisait bien comme fruit, ni une ni deux, la voilà qui vire ses chaussures et hop! Elle grimpe dans l'arbre comme un petit singe, montant à 2m de hauteur à une vitesse et une agilité stupéfiante pour une femme de son âge, et elle nous jetait des fruits qu'elle cueillait en riant bien vu nos airs ahuris en bas!



Après cet interlude, je suis repartie au village voisin pour faire un peu d'emplettes, accompagnée de Hang. Hang est la reine de la négociation, elle maîtrise ça parfaitement, on voit qu'elle est vietnamienne et qu'elle a fait ça toute sa vie.
Démonstration.
On regarde une écharpe qui me plaît. Déjà Hang me dit qu'elle va faire croire que c'est pour elle, sinon la vendeuse ne voudra jamais baisser le prix (ici il y a toujours un prix pour les Vietnamiens, et un pour les étrangers, c'est comme ça, il faut s'y faire. Quand Hang fait les courses avec Maurice, si elle veut acheter un truc, elle l'expédie quelques mètres derrière pour qu'on les voit pas ensemble et qu'elle puisse avoir des prix convenables).
Hang demande combien ça coûte. La vendeuse répond 80.000 dongs. Hang fait la fine bouche. Elle retourne le truc avec un air dubitatif, me consulte, je fais la moue aussi, on ne prend pas l'air trop enthousiaste. Hang propose 40.000. La vendeuse refuse, secoue la tête, argumente tout un tas de choses auxquelles je ne comprends rien mais vantant sûrement sa marchandise. Hang finit par lâcher que bon d'accord pour y mettre 50.000 mais pas plus. La vendeuse dit non. Avec un petit soupir, Hang se détourne, et on commence à s'éloigner en haussant les épaules.
On fait très exactement trois pas, et là on entend piailler la vendeuse qui rappelle "Chi Hoïïï!". On se retourne, elle est d'accord pour 50.000. On se regarde, on se frotte le menton d'un air dubitatif... Finalement dans sa grande bonté, Hang accepte de payer ce prix qu'elle s'était fixée depuis le début. La vendeuse emballe le truc, nous le tend avec un grand sourire et rigole avec Hang: 50.000 était le bon prix, définitivement...
Des fois on passait même de la tenture à 400.000 qu'elle faisait baisser à 250.000, elle est redoutable. Du coup ça a été un peu le gros craquage, je suis repartie avec 5 ou 6 écharpes et étoles, 3 tentures pour ma chambre, plus une jupe brodée que je n'oserai jamais porter ici mais qui sera sûrement très sympa à mettre rentrée à Paris.


J'ai essayé la tenue traditionnelle locale pour tester.  Très mignonne, que j'étais, le problème étant que si je levais les bras je faisais craquer toutes les coutures (y a qu'à voir la taille de la vendeuse qui était montée sur un petit escabeau à côté de moi, on a pas le même gabarit, les vietnamiennes et moi...)

Lâchée dans trop de choix, la Clémence à l'état naturel se met à baver  vaguement en meuglant "Gnuuuuu je veux touuuuuuut!". Toutes ces couleurs, ces broderies, ces étoffes, ça rend fou. Pour information, j'ai acheté une jupe bleue, comme celle que je suis en train de lorgner sur la photo. 


(Dieu du ciel, on est lundi matin, 9h30 à l'heure où j'écris, et mes collègues sont encore en train de fêter la nouvelle année du dragon, en faisant tourner un verre de brandy dans lequel tout le monde doit boire pour porter chance à la compagnie. Laissez-moi vous dire que le brandy à 9h30 l'estomac vide, c'est révoltant... En revanche, ils m'ont tous offert très gentiment les traditionnelles petites enveloppes rouges et or dans lesquelles on glisse un petit billet, pour apporter chance, prospérité, santé et bonheur pour la nouvelle année!).

Bref, je reprends mon récit. Au dîner, on nous a gavé de très bonnes choses, encore plus que le midi, les plats n'arrêtaient pas d'arriver sur la table au fur et à mesure, on aurait pu croire que ça ne s'arrêterait jamais. Disons-le, pendant le séjour on a été très bien nourri, de nouilles sautées, de poisson cuit à l'étouffé dans un tube de bambou, de nems à tomber par terre, d'espèce de boulettes de viande épicées enroulées dans une feuille, de soupes de légume délicieuses, et le matin on avait des "crêpes" de pâte à beignet avec des petites bananes dedans (rien que d'y repenser j'en ai l'eau à la bouche).

Après le dîner, spectacle! Bah oui Maurice nous a préparé un programme très complet, figurez-vous, même s'il était un peu déçu parce qu'il n'y avait pas autant de musiciens et de danseurs que d'habitude, pour cause de fêtes du Têt en cours. Moi j'ai trouvé ça très bien quand même, il y avait malgré la pénurie une dizaine de personnes, on avait le spectacle rien que pour nous, et c'était assez entraînant. Au programme, des danses et des chants traditionnels, sur fond de musique parfois un peu moins traditionnelle (un jour faites-moi penser à vous pondre un article sur la musique au Vietnam, ça manquera à votre culture sinon).
D'ailleurs j'ai oublié de vous préciser que tout au long de notre séjour, on avait toujours en fond sonore un karaoké, même dans les villages reculés, parce qu'à la campagne on a pas beaucoup d'autres distractions, il en font tous pour le Têt, et que le son porte très très loin dans les rizières, ô joie et bonheur!






Ca s'est terminé en danse pour tout le monde, où on a fait une espèce de ronde, il fallait tourner dans un sens, dans l'autre, taper sur l'épaule droite puis gauche du voisin, changer de sens, etc (autant vous dire qu'on avait pas autant de fluidité que les danseuses). Pour finir, on nous a invité à goûter la boisson locale, soit une espèce de jarre d'où émergent des pailles en bambou ; au fond, un mélange dont nous ne connaissons toujours pas la composition, on y verse de l'eau, ça se transforme directement en alcool, et on peut le recharger tant qu'on veut dans la soirée. Le principe est cocasse, le goût ne m'a pas conquise, mais ça nous a occupé toute la soirée sur le thème "mais qu'est-ce qu'il y a au fond, bon sang?". Très honnêtement, comme d'habitude, je pense qu'on préfère ne pas savoir, en fait...

Une première journée bien remplie, au final, on est allé se coucher tôt. D'abord parce que passé 22h, tout le village dort, et qu'en plus on se levait tôt le lendemain pour une autre excursion. Mais avant d'aller au lit, on a fait une petite séance hilare d'aérobic avec Hang. A Hanoï, elle se lève tous les matins pour aller au parc à 6h30 faire sa séance de sport (cette femme est folle, et beaucoup d'autres vietnamiens aussi sur ce plan là). Ca a eu le mérite de bien nous faire rire, et de nous réchauffer un peu avant d'aller au lit. Oui parce qu'évidemment, le chauffage, même pas en rêve. Déjà il y a des vraies toilettes, faudrait voir à pas trop en demander... Mais une fois enfouis sous une montagne de couettes, on a tout à fait bien dormi comme des gros makis japonais sous moustiquaire.

La suite dans un autre article, celui-ci étant déjà bien fourni ^^

mardi 24 janvier 2012

Chúc mừng năm mới, bonne année du dragon! - La suite au temple de la littérature

Ca y est je suis ENFIN allée au temple de la littérature! Il était temps parce que ça fait un moment que j'en parle et je sais que mes colocataires n'allaient pas tarder à me taper si je prononçais encore une fois la phrase "bon allez ce week-end je vais au temple de la littérature". Joachim a décidé de m'emmener avec lui tout à l'heure, histoire de commencer l'année du dragon d'un bon pied (surtout avant qu'ils ne me collent tous le leur au derrière, de pied), on s'est fait notre petite expédition et je suis joie et bonheur.

Allez pour votre culture, une petite explication de ce qu'il en est de ce fameux temple (c'est fou ce que vous allez pouvoir briller en société grâce à moi):

Le Temple de la Littérature fut construit en 1070, à l'initiative de l'empereur Ly Tong, pour vénérer Confucius - philosophe chinois, ayant vécu à l'Antiquité, à l'origine d'une des trois religions principales de Chine et dont la doctrine était fondée sur le perfectionnement moral de l'être humain. 
Dès son édification, le temple servit de centre intellectuel et spirituel. Tout d'abord réservé à la famille royale et aux grands mandarins, l'école devint accessible au peuple tout entier. Le droit d'entrée passait nécessairement par la réussite à un examen, dit difficile, fondé sur le talent, les compétences et l'engagement loyal envers le pouvoir impérial.
Lorsque Hanoi fut privée de son titre de capitale au XIXème siècle, cette institution devint le Temple de la Littérature, nom actuel du lieu. Malgré tout, on le considère encore aujourd'hui comme la première université nationale. 

C'était assez surprenant car je m'attendait à une ambiance très calme et recueillie, comme on a pu le voir dans les précédentes pagodes et temples visités jusqu'à maintenant. Mais pas du tout! Comme on était le premier jour de l'année, il y avait énormément de monde, des familles sur leur 31 qui venaient prier, apporter des offrandes de faux billets et d'encens, prendre des photos des enfants dans leur plus beaux habits... Très peu de touristes, vraiment des gens qui venaient comme nous irions à l'église pour Noël en famille, j'imagine.

L'allée toute fleurie qui traverse la première cour, un jardin avec des topiaires dragons et autres animaux.


J'oublie toujours le nom de cet arbre mais on en voit beaucoup, même en ville où ils poussent incrustés dans les murs et les maisons. Les espèces de troncs forment parfois des motifs surprenants, on peut y deviner des visages ou des animaux avec un peu d'imagination.

Drapeaux de fête déployé en ce nouvel an, et pas mal de monde comme vous pouvez le voir.


La troisième cour comporte 82 stèles autour d'un bassin de forme carrée, connu sous le nom de Thieu Quang, « puits à l'état céleste » (j'adore ces noms).  Y sont gravés les noms des lauréats des examens des mandarinaux qui avaient lieu une fois tous les trois ans. Elles sont portées par des tortues, signes de longévité et de sagesse.

Ici le détail d'une des stèles : s'il en manque aujourd'hui quelques unes usées par le temps, elles comportent tous les noms des lauréats des concours mandarinaux depuis que le temple de la littérature existe. Tous. Je trouve ça fascinant, une telle continuité et une telle préservation. 


Le tambour géant, peint en rouge et or : difficile de résister à la tentation de taper dessus!

Au final, il régnait plutôt une ambiance de kermesse du dimanche que celle d'un lieu saint! Ca sentait le graillon à côté du bâtiment principal, normal vu qu'il y avait des saucisses à griller ; un peu partout étaient disposés des marchands qui vendaient encens, petit panneau calligraphiés, voire souvenirs atrocement kitsch du temple: la tortue en jade en pur plastique, je ne vous dis que ça.

Donc pour le côté spirituel, zen, tout ça tout ça, on repassera, mais d'un autre côté c'était très drôle de voir les petits bouts de chou que les parents faisaient poser, qui couraient partout en rigolant ou qui boudaient parce qu'ils en avaient marre de poser. J'en ai attrapé quelques uns avec mon appareil photo, je suis fan des deux dernières petites filles!

Visez-moi un peu la robe de princesse, la petite était trop blasée parce que ça faisait 10 minutes que sa mère la prenait en photo sous toutes les coutures ^^

Ces deux-là, qui avaient de vrais têtes de fripouilles, ont passé un bon moment à se mettre sous l'énorme cloche, à hurler de rire et à s'enfuir en courant, avant de recommencer illico. 

Celle-ci était trop mignonne avec son jupon tutu et sa doudoune orange, elle fait vraiment petite poupée à côté de l'énorme arbre à kumquat ! 

Quant à celle-là, elle était tellement choupi que je l'aurais volontiers mise dans ma poche pour l'emmener ni vu ni connu si ses parents avaient eu le dos tourné... 

Malgré la foire, il y avait aussi beaucoup de gens qui priaient devant les différents autels, avec une ferveur et une capacité à faire abstraction de la foule assez surprenantes. Et il y a quelque chose qui nous a beaucoup intrigués avec Joachim : à plusieurs endroit on a vu des tablettes en bois, rien de gravé ou d'écrit, et les gens dessinaient avec leurs doigts dessus, ou peut-être qu'ils traçaient des lettres. On en a conclu qu'ils devaient exprimer des souhaits pour la nouvelle année, je demanderai l'éclaircissement de ce mystère à Hang plus tard.

Mais qu'est-ce que la famille dessine avec ses doigts ? Mystère mystère... 
Les autels étaient chargés d'une profusion de fleurs, d'encens, et les faux billets volaient un peu partout à force d'être déposés.





L'autel principal de Confucius, à qui est dédié le temple de la Littérature.


Voilà pour la visite, j'aurais voulu mettre encore plus de photos mais je ne peux pas abuser vu ma connexion. Je pense que j'y retournerai une autre fois, en espérant qu'il y aura moins de monde, car j'aimerais voir aussi le côté plus tranquille et spirituel qui y régnait quand d'autres amis y sont allés, et qu'ils m'ont décrit avec enthousiasme. Néanmoins je suis très contente d'avoir vu ce lieu le jour du Têt, avec toutes ces familles et cette foule.

En revanche dans les rues, c'était très calme. On nous avait décrit une ville totalement morte, presque fantomatique. On n'en était pas à ce point de désertique, mais il y avait quand même très peu de monde par rapport au quotidien. Après le temple, on est allé se promener dans le vieux quartier Hoan Kiem avec Joachim, il y avait des portions entières de rue complètement désertées avec pas un magasin ouvert, ce qui est très surprenant quand on connait l'agitation habituelle.

Sur ce, je vais peut-être enfin aller dormir, parce que demain matin je pars crapahuter dans la pampa, à Maï Chau, avec notre voisin Maurice, sa famille et la joyeuse bande des colocataires. J'espère vous ramener plein de formidables photos, et surtout que je vais m'y faire plein de formidables souvenirs.

A très bientôt, et encore une excellentissime année du dragon à vous tous!














lundi 23 janvier 2012

Chúc mừng năm mới, bonne année du dragon!

Dieu tout puissant. A l'heure où je vous écris, je suis dans mon salon et on est en train de craquer nerveusement avec mes colocataires, lesquels sont en train de hurler à la mort ou de glousser compulsivement.

Les voisins fêtent la nouvelle année du dragon en faisant un karaoké... Donc des chansons vietnamiennes, très sirupeuses, avec des petits effets de synthé, de l'écho à mort sur le micro, et en plus, ils chantent faux comme pas permis les enfoirés! Manon vitupère et envisage de leur lancer des cocktails molotovs, Xavier ricane nerveusement, et on a perdu Manu qui chantonne en rythme avec l'air hagard et se colle des coussins sur les oreilles pour plus entendre... Je crois qu'on va sortir, il en va de notre santé mentale à tous! xD

Malgré cet épisode douloureux, ça a bien commencé cette année du dragon! Grâce au marché aux fleurs, on a ramené un arbre du Têt qui nous fait de jolies petites fleurs roses dans le salon. J'ai acheté aussi un "ke koat", un petit arbre à mandarine. J'ai fait soft, j'en ai pris un petit parce que je ne suis pas encore une vraie vietnamienne pour m'en trimballer un de trois mètres de haut sur mon scooter. Pour vous donner une idée, une petite photo de ce que ça donnait dans la circulation; aux heures de pointes on avait vraiment l'impression d'avoir une pépinière ambulante dans les rues :

Bon en même temps c'est vrai qu'ils peuvent promener un frigo sur leur scooter, donc on va pas chipoter pour un arbre d'1m50 avec son pot en céramique et la motte de terre qui pèse 15kg hein... 

Par ailleurs j'en profite pour vous mettre une photo de moi sur mon super scooter jaune, qui avec mon manteau rouge, donne l'impression d'un gros poisson rouge chevauchant un canari, c'est d'un goût exquis. Quand j'ai ramené le ke koat, j'avais en plus des feuilles et des mandarines sous le menton, c'était cocasse comme vous pourrez en juger :

Hoooooo la belle jaune et rouge à feuilles! (quand je pense à tout ce que j'ai ricané de la première moto de Pierre-André qui avait à peu près la même couleur, le karma m'a punie... )




Hier soir en attendant la nouvelle année, on s'est fait un super bon dîner à la maison. On a eu une séance assez pittoresque avec le poulet. Très frais le poulet : les garçons l'ont acheté au marché, vivant, et hop on te le prépare devant toi en le saignant, le plumant et le vidant sur place, sans façon. Du coup tu le ramènes entier avec la tête, les pattes, ça a été un peu la boucherie au moment du découpage et une bonne séance de rigolade.

Pour respecter un peu les traditions du pays, on s'est improvisé un autel des ancêtres à la maison avec des fleurs, des batons d'encens, des offrandes de bière, de cacahuètes, de cigarettes,  des fruits et des bougies. Normalement, les Vietnamiens brûlent des faux billets, des voitures et des vélos en carton, pour que les ancêtres puissent avoir un moyen de passage vers notre monde. On leur envoie aussi des lingots d'or, des ustensiles de cuisine, des chevaux, de la  nourriture, plein de choses dont ils peuvent avoir besoin, le tout en carton ; on les brûle le plus souvent dans la rue devant la maison, et la fumée fait monter tous ces objets vers eux. Olivia avait ramené un peu de ces objets en carton, on a dessiné sur des papiers tout ce qu'on voulait envoyer à nos ancêtres (du vin, du pâté en croute, des trombones, des petits mots, on a un peu adapté quoi) et on a fait brûler tout ça devant chez nous. Au début le voisin nous a regardé un peu bizarrement, on s'est demandé s'il n'allait pas nous jeter des cailloux, mais finalement il nous a ramené en souriant la petite pelle et la balayette pour ramasser les cendres, donc on s'est dit qu'on avait marqué des points ^^


Avec les guirlandes chez Maurice et Hang, ça vous a tout de suite un petit côté festif de faire brûler des petits mots et des dessins pour les ancêtres ^^

Après le dîner on s'est bougé au bord de notre petit lac, avec nos chaises en plastique de Bia Hoi, comme les restaurants de rue, et on s'est calé sur la rive pour regarder le feu d'artifice. Ca a bien fait marrer les voisins de la ruelle, d'ailleurs, qui étaient écroulés de rire en nous voyant partir avec nos mini chaises.  Il y avait un sacré vent, le froid est retombé d'un coup, pas de bol, et on a attendu un bon moment le feu d'artifice. Lequel était sensé se déclencher à minuit pile, mais bon, à la vietnamienne, c'est à dire minuit quinze ^^



Chúc mừng năm mới ! 


Question : devinez la température qui règne à l'air dégagé et réchauffé du public.

Il y avait plein de monde dans la rue, des familles qui se posaient au bord du lac avec leur tapis, des groupes en scooter, c'était assez festif. En rentrant on a vu plusieurs maisons ouvertes avec l'autel des ancêtres sur le palier, décoré d'objets rouges et or en papier, de fruits, de fleurs, d'offrandes, à côté desquels les gens priaient avec des batons d'encens dans les mains pour accueillir les ancêtres qui descendent sur terre le premier jour de l'année. Je n'ai pas osé les prendre tous en photo, même si j'en avais très envie, j'en ai attrapé un vite fait pendant que la dame ne regardait pas parce que je ne voulais pas me montrer irrespectueuse.

Vous noterez la présence du poulet entier bien dressé dans son saladier sur la gauche, en plus de toutes les autres offrandes disposées sur la table... 

Juste après, nos excellents voisins Maurice et sa femme Hang nous avaient invités à venir prendre un thé chez eux pour fêter la nouvelle année. Je suis la première à être rentrée dans la maison et on était très honorés qu'ils nous aient proposés de venir, car le premier visiteur qui rentre après minuit chez une famille lui apporte la chance ou la malchance pour tout le reste de l'année ; qu'ils nous convient chez eux juste après minuit est donc un très bon signe d'amitié. J'en ai profité pour prendre en photo leur arbre du Têt, qui est un peu plus imposant que le nôtre :



Hang avait préparé plein de bonnes choses, elle fait un thé amer au gingembre juste délicieux, et elle nous met toujours des graines de lotus confites, du gingembre confit, des prunes vinaigrées, des petites bananes séchées, des gateaux, et elle fait même des truffes au chocolat maison à tomber par terre, qu'elle nous sert quand on vient vu le degré d'extase qu'on affiche à chaque fois. On a passé une bonne heure chez eux à rire de nos progrès en vietnamien, à essayer de prononcer des bouts de mots et de phrase pour la plus grande joie de Hang et de son fils Xiuan, que ça faisait bien rire ; en même temps je crois que ça leur fait plaisir qu'on essaie de bredouiller du vietnamien. Après les vacances du Têt on va d'ailleurs commencer des cours avec un professeur, pour essayer de progresser vraiment au lieu de baragouiner n'importe quoi.

(Ca y est mes colocataires craquent et se mettent des vidéos de karaoké sur youtube. Ca va mal. Remarque je préfère largement ça aux chansons d'amour vietnamiennes).

Ho mon dieu il faut absolument que je vous mette une vidéo de ce grand moment. Notre connexion ne nous le permet pas à la maison, mais je fais ça dès qu'on sera de nouveau au bureau.
On a décidé de se venger des voisins donc on s'est mis à chanter aussi, il y en a plusieurs qui sont passés dans la rue et qui se marraient comme des tordus en nous voyant faire... En même temps je les comprends il y a de quoi, quand ça tressaute sur la vidéo c'est que je ricanais de façon incontrôlable :D

dimanche 22 janvier 2012

Le marché au fleur de nuit à Tay Ho

(Je viens de m'apercevoir que j'ai fait une grosse faute d'orthographe dans le titre et j'arrive pas à le corriger. A force de parler anglo-vietnamo-français, je ne sais plus écrire, comme si ça ne suffisait pas que je ne sache plus manger proprement et que je conduise comme un pied).

Comme promis, voilà les photos du marché aux fleurs. C'était assez surréaliste : on y est allé vers 2h du matin. Sachant que les Vietnamiens sont plutôt des couches-tôt, les rues étaient complètement vides. En revanche, arrivées au marché, il y avait un monde fou.

Comme on est très proche du Têt, le nouvel an vietnamien, tout le monde va acheter des fleurs, entre autres. C'est la fête la plus importante de l'année ici, je vous copie un petit texte pour vous expliquer ça :

La fête du Têt est le grand moment de l'année vietnamienne, le seul, selon la tradition, où les âmes des morts reviennent sur terre. Pas question de rater pareil rendez-vous avec les esprits des ancêtres. Les vivants doivent impérativement être présents pour les recevoir dignement, debout devant l'autel des ancêtres, l'air grave si possible. Dans chaque maison vietnamienne (ou appartement), dans chaque village, l'autel des ancêtres constitue le centre de gravité spirituel de la famille, du clan, de la lignée. Il consiste en un meuble plus ou moins important, où sont exposées à longueur d'année quelques photos des parents défunts (parfois jusqu'aux arrière-arrière-grands-parents), des bâtonnets d'encens, des coupelles contenant des fruits et des objets chers aux défunts. Plus la famille est aisée, plus l'autel est imposant.
Bien que vivant hors du temps, les ancêtres sont ponctuels : l'heure c'est l'heure. À minuit pile, dans la nuit du 22 au 23 janvier 2012, leurs âmes arriveront sur terre. Leurs descendants doivent préparer au mieux leur accueil. Les maisons doivent être soigneusement rangées, les pièces balayées, les meubles dépoussiérés. Des longs papiers rouges avec des caractères noirs sont souvent accrochés à l'extérieur pour égayer le décor. Rien n'est trop beau pour recevoir les âmes des ancêtres. Pendant longtemps, les Vietnamiens faisaient exploser en rafale des pétards pour chasser les mauvais esprits. Cette pratique n'a pas tout à fait disparu, bien qu'elle soit officiellement interdite par le gouvernement vietnamien en raison des nombreux accidents mortels survenus dans le passé.
À défaut de pétards, il reste les fleurs. Avant et pendant le Têt, les marchés débordent de fleurs. Les plus achetées sont au Sud les branches d'abricotier (canh maï) aux fleurs jaunes, et au Nord les branches de pêcher (canh dào) aux fleurs roses. Les familles se réunissent à la maison. Les parents, les proches et les amis se rendent visite. Les femmes confectionnent le banh chung, un délicieux gâteau de riz gluant, garni d'une farce composée de viande de porc, de haricots écrasés, le tout arrosé d'une sauce de soja ou de nuoc mam, la sauce nationale à base de saumure de poisson. 

Donc voilà pourquoi il y avait tant de monde au marché. Une profusion de fleurs qui s'étendait à perte de vue, une foule énorme pressée et serrée, des scooters supportant des kilos et des kilos de bouquets essayant de se faufiler dans des mini-allées déjà blindées, des gens qui transportaient des gerbes énormes, le sol mou couvert de feuilles piétinées, des odeurs merveilleuses partout... On se serait cru dans une fourmilière en folie. Van, la collègue de Manon qui nous a emmenées, n'arrêtait pas de nous surveiller pour qu'on reste bien groupé, sans quoi on ne réussirait probablement jamais à se retrouver. Et accessoirement pas un seul Occidental, on était vraiment les seules avec Emmanuelle et Manon au milieu de tout ce foutoir.

On y a passé un bon moment, on a dû rentrer à 4h du matin après avoir traversé toute la ville déserte avec un arbre à pêche et des bouquet accrochés sur nos scooters, à la vietnamienne ^^.
Allez, les images (me suis acheté un nouvel appareil photo qui tue, je sais pas encore pas très bien m'en servir mais je suis contente quand même). Mon seul regret est que je n'ai jamais réussi à prendre une photo "d'ensemble" tellement c'était pressé et serré, mais c'était génial quand même...

Bon nous le premier truc qu'on a fait en arrivant, c'est manger des saucisses sur bâtonnets parce qu'on perd pas le nord quand même. Le dîner était loin, d'abord. 


Les roses sont toutes emballées dans des petits papiers pour ne pas s'ouvrir avant l'heure!



Celle-là est hélas un peu floue mais c'est pour vous donner une idée: ce ne sont pas des fleurs à côté d'un scooter, elles sont accrochées au scooter. 

Ca, c'est un petit chargement. J'en aurai bien pris un plus gros en photo, mais pas assez de recul dans les allées pour ça.