mardi 14 février 2012

La girafe-hippopotame au pays des nains de jardin

Bon, disons-le, ce billet ne sera pas d'un intérêt culturel palpitant. Je voulais juste pousser un cri du coeur sur le fait qu'il n'y a pas moyen de s'habiller, du moins pour moi, dans ce satané pays.

Le problème, c'est que les Vietnamiennes font toujours une tête de moins que moi, au moins, et elles doivent peser la moitié de mon poids. Je suis sûre que certaines ne doivent pas faire plus d'un mètre quarante et trente kilos.

Du coup, même si j'ai maigri, je suis beaucoup trop grande ("Hooo la jolie tunique courte! Ha non c'est une robe qui doit arriver au genou normalement...") et beaucoup trop grosse ("Hahahaha ils n'ont pas plus grand que du 34 ou 36, où avais-je la tête...").

Du coup, il y a des boutiques très mignonnes, j'aurais assez besoin de racheter quelques vêtements, et je ne rentre dans rien. Je vais finir par m'acheter des espèces de pyjamas informes comme en portent certains et même certaines, avec des chaussettes dans mes tongs, des doudounes roses fluos et des bonnets à oreille. Ou alors je serai obligée d'aller au gros mall Vincom, qui contient un Mango et un Naf Naf, où on fouillant bien on peut trouver un vrai 38 européen.

Mes collègues ont ricané que j'étais trop grande et trop ronde.

Moi, au moins, je suis plus haute qu'un tabouret de piano.

vendredi 10 février 2012

Pagodes en famille du côté de Long Son

Je suis un peu retard sur mes récits touristiques, je vais essayer de me rattraper ce week-end où je compte rester plus au calme à Hanoï. J'en profiterai pour vous raconter aussi le musée de l'armée, qui vaut le détour, mai concentrons-nuos sur Long Son.

Dimanche dernier, juste après la journée à Co Loa donc, une de mes petites collègues m'avait proposé de partir avec toute sa famille en minibus pour aller faire le tour des pagodes du côté de Long Son, au nord-est du Vietnam, près de la frontière chinoise. Astrid et moi avons accepté avec enthousiasme, c'est beaucoup plus sympa d'aller faire ce genre de visite avec des Vietnamiens qui peuvent te raconter et t'expliquer le lieu visité!

Départ fixé à 5h du matin. Ce fut un peu rude de se lever, surtout que je m'étais dit "bon ben je me couche avec les poules, hein, grosse journée demain!", mais comme je ne m'endors jamais avant minuit voire une ou deux heures... Voilà donc que je sors avec mon scooter sous une pluie battante à 4h40, dans les rues pas si désertes; il y a déjà du monde dehors et ça s'active dans les biahoi pour aller chercher la nourriture et commencer à cuisiner (ces gens sont fous). Je retrouve Hông, plus ses parents, ses oncles et tantes, ses cousins, un collègue du cousin, une copine, etc, ainsi qu'Astrid, et en avant mauvaise troupe!
Long Son est quand même pas tout près, il faut bien 3h30 de route pour y aller. On s'est arrêté au bout de 2h pour prendre le petit déjeuner, soit une soupe de nouilles au poulet (oui à 7h c'est un peu dur mais on s'y fait), dans un restaurant sympa au bord de la route : il y avait plein de cages à oiseaux accrochées à l'intérieur et on les entendait siffler et chanter pendant tout le repas. Après une grosse heure et demi de route à nouveau, on arrive au premier temple.

Celui-ci est bâti sur le flanc d'une colline verdoyante, et présente la particularité d'être très coloré! Habituellement l'architecture est toujours un peu la même, avec des bâtiments en bois sombre patiné par le temps. Là, trop de couleur n'était pas assez de couleurs!


Il y avait énormément de monde, dès l'arrivée on est submergé par les "marchands du temple" qui sont installés dans la cour et vendent tout le nécessaire à offrandes: faux billets, papiers à brûler, fleurs dorées, voire plateau avec tout fourni: fleurs, fruits, cigarettes, gâteau, bougies, etc.



Le sanctuaire est dédié au culte des Mères, une croyance extrêmement populaire qui est pratiquée depuis très longtemps au Vietnam. C’est une vénération traditionnelle à la Féminité de la Mère créatrice du Monde, interdite un moment par le régime communiste qui le trouvait trop sectaire, puis de nouveau autorisé depuis 1994 qui a vu une plus grande ouverture religieuse se mettre en place.  (Pour ceux qui veulent en savoir plus, allez voir cette page).


On était le 14ème jour après le Têt, soit un jour particulier où l'on considère que toutes les prières faites aux Mères ont plus de chance de se réaliser, leur incarnation céleste descendant écouter les fidèles. D'où une foule incroyable, des familles entières qui venaient avec toutes les différentes générations, ça allait et ça venait dans les escaliers en ribambelle pour cavaler d'un autel à un autre. (Je dois d'ailleurs dire ici qu'il y un truc qui m'agace particulièrement: dans une foule, quand ils veulent passer, les Vietnamiens n'hésitent pas à se bousculer, voire à t'attraper gentiment et à te pousser sur le côté, parce que bon là ils veulent passer quoi. Ici c'est normal mais j'ai un peu du mal.)
On a fait tout le tour avec Hông, son fiancé et une amie, qui déposaient scrupuleusement un petit billet à chaque autel après avoir dit une courte prière. Et attention hein, il faut que les billets soient neufs et impeccables, pas question de déposer des billets froissés!













Ensuite, en route pour le deuxième temple de la journée. Ha oui, en chemin, on a croisé le chien en céramique ci-dessous. On en voit souvent à l'entrée des maisons, on nous a expliqué que ce sont des gardiens qui protègent le foyer des mauvais génies. Généralement ils sont en pseudo-porcelaine, des genres de bergers allemands, toujours le même modèle en toute taille. Celui-ci sortait de l'ordinaire et  était particulièrement affreux, il me plaisait bien. J'ai demandé une fois à mes colocataires si je pouvais acheter un berger allemand géant en céramique pour la maison mais va savoir pourquoi ils ont refusé...



A nouveau un peu de route et nous sommes arrivés au temple qui est dans les grottes des Tam Tahn , de loin le plus impressionnant de la journée. En fait, la région est couverte par ces fameux "pitons karstiques" (qu'on n'a pas vu à Mai Chau à cause de la brume), qui forment des espèces de pain de sucre géant parfois couverts de végétations. Le temple est bâti dans une de ces montagnes, dans des cavernes énormes où les autels sont installés.

A l'entrée on trouve souvent deux figures de guerrier opposé, un seigneur et un démon, pour rappeler la présence du bien et du mal. Ici, c'est le "bon" guerrier.

On ne le voit pas sur la photo, mais les auréoles des trois bouddhas du haut sont électroniques, brillent et tout avec les LED qui font des motifs qui bougent comme un kaléidoscope... 
On traverse ces grottes impressionantes sur des petits ponts, dans des escaliers taillés à même la roche, laquelle est d'ailleurs éclairée par des néons très violemment colorés (ils adorent les néons colorés).  Les parois et les plafonds sont couverts par intermittence de stalactites, il y a des bassins d'eau où se reflètent les lumières ; dans la plus grande caverne nichent des oiseaux, tout en haut, qu'on entend pépier et crier, ça résonne dans toute la grotte, c'est assez étrange.













Bref, l'endroit était vraiment impressionnant, et rien que pour ça, ça valait le coup de faire tout le trajet en bus. 

Les deux temples suivants étaient plus "classiques" par leur architecture et leur contenu. Puis, comment le dire sans passer pour une affreuse ingrate, à la 18ème pagode visitée, c'est un peu comme visiter toutes les églises de Rome, au bout d'un moment c'est un peu redondant... Cependant chance, ils préparaient les palanquins, drapeaux, et autres ornements pour une cérémonie qui devait avoir lieu le lendemain, d'où belles couleurs et motifs dehors.





Ce qui fut intéressant surtout, c'est qu'il y avait une cérémonie de prière en cours dans un de ces deux temples, où les moines scandaient des prières, avec un tambourin, divers instruments, et surtout, pensée spéciale à mon papa, le bol qui chante, comme celui qu'on a à la maison! 

"DOOOONGoooooooOOOOOoooOOOOOOOooooooOOOOOOOooooOOOOOO" (et c'est à ce moment là que généralement Maman demande si on pourrait pas arrêter de jouer avec ce truc).
Pour ceux qui ne connaissent pas, on frappe le bol avec le pilon en bois, ce qui déclenche un bruit de gong, puis on fait tourner le pilon tout autour du bol en le frottant, et tant qu'on tourne, ça continue de vibrer. Il faut avouer qu'au bout de plusieurs minutes, ça devient vite odieux... 




Dans le nord, les fleurs de pêches sont plus grosses et plus foncées que celles que nous avons à Hanoï pour le Têt. 

Après toutes ces visites, on s'est enfilé un déjeuner pantagruélique. J'ai noté qu'à nouveau, comme chez M.Cahn, les femmes étaient assises d'un côté et les hommes de l'autres, bref ça ne se mélange pas trop. Et sinon je ne sais pas où ces petites vietnamiennes mettent toute cette nourriture, moi après les "entrées", soit du canard, du porc grillé et des légumes, je n'avais déjà plus faim...

On a fini l'après-midi déjà bien entamé au marché, l'endroit étant réputé pour être très peu cher vu qu'on est à côté de la frontière chinoise où on trouve toutes sortes des marchandises à bas prix. J'ai fini par acheter une bouilloire, que j'ai payé bien trop cher d'après les autres, mais la nôtre avait lâché et j'avais vraiment pas envie de me battre pour 2 euros, j'étais trop fatiguée pour ça. Oui parce que bon, quand même, on était debout depuis 4h du matin et j'avais dormi 3h.
On s'est posé avec Astrid pour boire du thé, on a eu un semblant de discussion avec les deux marchandes vietnamiennes, sur le pays d'où on vient, notre âge, et qu'on était très jolies (notre vocabulaire ne va pas plus loin pour le moment mais moi je trouve que c'est déjà pas mal, vu ce que je vous ai raconté dans l'article précédent)

Le retour a été un peu long, surtout arrivé à la fin vers Hanoï où ça bouchonnait, on a déposé tout le monde chez soi, j'ai repris mon scooter pour rentrer, et je suis arrivée vers 21h30 - 22h, ce qui fait quand même une sacrée grosse journée. Pas trop moyen de dormir dans le bus, hélas, vu l'état de la route un tantinet farceuse... Donc fatiguant, mais franchement ça valait le coup de se sortir du lit très tôt et d'aller voir un peu autre chose que la capitale, tout de même.

jeudi 9 février 2012

J'apprends le vietnamien, ou comment mon cerveau a fondu en 1h30

S'il y bien une chose extrêmement frustrante ici, c'est de parfois ne pas pouvoir communiquer avec les gens quand ils ne parlent pas un mot d'anglais. Par exemple, juste à côté de chez nous il y a un biahoi où nous avons pris nos habitudes, les soirs où il n'y rien à manger ou encore si on a la flemme de faire la cuisine (ce qui se produit très souvent, avouons-le). A chaque fois on est accueilli avec des grands sourires, ils sont au petit soin, les cuisiniers ont même fait un jour un portrait d'Olivier avec des oignons et des légumes sculptés piqués dedans. On rigole bien, mais on ne peut pas parler ensemble.

Après le Têt, nous avons donc décidé de commencer officiellement des cours de langue. Manon a dégôté une prof très sympa qui vient chez nous deux fois par semaine pour nous enseigner les rudiments de la langue: en quelques mois on ne deviendra pas bilingue, mais on pourra avoir de petites conversations, on l'espère...

Ou pas. Ce soir, j'ai le cerveau qui me ressort par les narines en coulant et des sons cromagnonesques se produisent tous seuls dans mes oreilles.
On suit le cours avec beaucoup d'attention et de concentration, mais je peux vous dire que c'est pas facile facile! Pour le moment on en est vraiment aux rudiments, et il faut vraiment tout réapprendre en commençant par l'alphabet et la prononciation.
La prof nous fait répéter des sessions entières de monosyllabe, un peu comme dans les livres à l'ancienne, et on se retrouve à chanter tous en choeur "ba beu bé bi bo bou, va veu vé vi vo vou, pha pheu phé phi pho phou" (là ça a failli dégénérer en crise de fou rire nerveux).
Il y a vraiment des moments où on est complètement largués, on se regarde avec des yeux effarés comme la vache qui a dû voir passer le premier TGV un jour dans son champs. Comment vous expliquer ça? C'est quelque chose qui devrait nous être familier, c'est le même alphabet, mais ça n'a tellement RIEN à voir qu'il faut tout réapprendre en partant de zéro, comme si on n'avait même jamais su lire et écrire quoi que ce soit.

Premier obstacle, la prononciation de lettres, tout simplement, qui n'est pas la même que chez nous. L'alphabet n'est pas totalement identique non plus, d'ailleurs. Pour votre information, c'est un alphabet "latin" grâce à Alexandre de Rhodes, missionaire venu au Vietnam au XVIIIème siècle qui a adapté la langue vietnamienne dans une écriture latine, à la place des caractères chinois utilisés auparavant. Notre prof trouve d'ailleurs que c'était une idée formidable, ça a beaucoup simplifié les choses pour tout le monde. Il a rajouté toutes sortes d'accents, de point et autres pour exprimer les différentes prononciations et tonalités, donc tout en étant familier l'alphabet n'est pas le même:


Déjà c'est la galère parce que la moitié des lettres ne se prononcent pas comme ça s'écrit, du moins comme nous on les prononcerait à la française. Le d, par exemple, se prononce z, gi ça donne z aussi, tr c'est tch, le o comme dans côte, le ô comme dans tomate, le ợ comme dans oeufs, le u et le eu comme you, etc etc.
A cela, deuxième aspect cocasse, on rajoute les tonalités. Il y en a six en tout : une prononciation accent neutre, un accent dont l'intonation monte, un qui descend, un qui monte puis redescend, un hyper sec où on mange la lettre, et une où on descend monte en avalant la fin. (Déjà arrivée là je sentais mes neurones en ébullition, j'imagine que les vôtres aussi).

Il s'agit de ne pas se tromper dans la prononciation. Ce sont toujours des mots très courts, mono syllabiques, et c'est la tonalité qui lui donne sa signification. Qui plus est, à même mot et même tonalité, ça peut varier suivant le contexte de la phrase dans laquelle on le cale. En gros, un même mot peut avoir jusqu'à 7 ou 8 significations différentes suivant tous ces paramètres!

Je vous mets une petite démonstration :

  • ba = papa, trois, un petit peu
  • bà = grand-mère, ou Madame
  • bã = déchet, tourteau, épuisé
  • bạ = raffermir, n'importe
  • bá = tante grand-maternelle, suzerain, entourer de ses bras

 (et je vais pas tous les faire il y en a encore d'autres)

Histoire de rire, il y a des "mots composés", donc deux très courts dont la signification globale n'a parfois rien à voir avec les deux qui les composent.

Voilà.

Là vous comprenez pourquoi on ressort du cours avec la tête complètement farcie, l'oeil torve, l'air hagard, le menton qui bavouille d'épuisement cérébral et les mains qui tremblotent nerveusement.

La prochaine fois, je vous parle des pronoms personnels, vous verrez, c'est pas triste non plus, votre tête va probablement imploser spontanément...






mercredi 8 février 2012

Princesse décapitée, nems et condition féminine...

Week-end productif s'il en fut! Il y a déjà quelques temps, on a pris nos habitudes dans un petit café très sympa juste à côté de chez nous et sympathisé avec une des filles qui y travaille, Huong. Elle nous a proposé la semaine dernière de nous emmener visite Co Loa, juste à côté de là où habitent ses parents, à 30km d'Hanoi. Ce qui fut dit fut fait ce samedi, on a passé une journée formidable!

On s'est retrouvé vers 10h au café avec Huong et 3 de ses amies, et on est partis pour notre petit périple.  Ca m'a permis par ailleurs de voir enfin le fleuve rouge qui traverse Hanoï, et que je n'avais pas encore eu la possibilité de traverser ni même d'apercevoir. C'est assez étrange parce qu'on passe sans transition de la route périphérique et de l'encombrement urbain à une berge très verdoyante. Comem vous pourrez le constater sur la photo, c'était une fois de plus... brumeux. (Je commence à fantasmer sur des rayons UV, on a pas vu un gramme de soleil depuis un mois, ça devient un peur dur tout ce gris.)


45 minutes de route, une fois sortis de la banlieue d'Hanoi, on était dans la campagne et ça fait du bien de respirer un peu d'air frais avec de la verdure autour, en comparaison de l'air pollué par les milliers de scooter en ville.

On est arrivé à Co Loa, où les filles nous ont fait visiter le temple du Roi. Il y a toute un tas de légendes autour de la ville, qui fut pendant un moment la capitale du royaume Âu Lạc et en conserve les restes d'une forteresse (on n'a pas eu le temps de la voir mais ce sera pour la prochaine fois). Ce qui était super, c'est qu'on avait nos guides personnels, qui nous ont raconté toutes les histoires, que je mets ici :

Avec l'aide du génie Kim Quy (Tortue d'Or), le roi An Duong Vuong réussit à construire la citadelle de Cô Loa aux murailles aussi épaisses que hautes. Avant de le quitter, le génie lui donna une de ses griffes en disant :
- Mettez-la en guise de gâchette sur une arbalète et vous serez invincible.
À cette époque. Triêu Dà (Chao To), chef des tribus au Sud de la Chine, s'était déjà plusieurs fois livré à des incursions dans le royaume d'An Duong Vuong. Mais l'arbalète magique l'avait aussitôt découragé. Il usa alors de la ruse. Il envoya son fils Trong Thuy porter au souverain des Viêt des offres de paix, avec l'intention secrète de détruire la fameuse arbalète.
Le jeune prince eut l'occasion de faire la connaissance de la fille d'An Duong Vuong, la belle My Châu dont il tomba amoureux. Ils reçurent la permission de se marier. Trong Thuy finit par obtenir de sa femme le secret de la gâchette magique. Il en fit fabriquer une absolument identique pour la substituer subrepticement à la vraie. Il trouva ensuite un prétexte pour rejoindre son père en Chine. Au moment de leur séparation, My Châu lui montra une robe de plumes d'oie et lui dit :
- Si des troubles éclataient par hasard ici pendant ton absence, je sèmerai ces plumes sur mon chemin et tu sauras où me retrouver. 
Trong Thuy partit. Peu après, son père Triêu Dà prit la citadelle de Cô Loa. An Duong Vuong n'eut que le temps de sauter sur son cheval avec sa fille en croupe et de s'enfuir par une porte dérobée. Talonné par l'adversaire, arrivé au bord de la mer, il appela la Tortue d'Or à son secours. Celle-ci apparut et lui dit :
- Roi, l'ennemi est en croupe derrière toi !
An Duong Vuong comprit alors. Fou de douleur, il prit son épée, tua My Châu et se précipita dans la mer. Guidé par les plumes d'oie, Trong Thuy trouva le corps de sa femme décapité. Il l'inhuma dans la citadelle et se jeta dans un puits. Aujourd'hui encore, au village de Cô Loa, devant le temple du roi An Duong Vuong existe le "puits de Trong Thuy". Selon la légende, le sang de My Châu coula jusqu'à la mer et les huîtres qui le burent devinrent des huîtres perlières. Il paraît que si on lave une de ces perles avec l'eau du puits, elle prend un orient incomparable, ce qui prouve l'innocence de la princesse.

Au temple, on trouve en effet l'autel du roi, le puit, et la statue de la princesse décapitée... C'est assez étrange comme endroit, fréquenté par tous les gens du coin qui veillent sur le temple, et prient le roi, la princesse pour apporter bonheur et longévité sur le village.

Les armes du roi, à côté de l'autel qui lui est consacré. Tous les ans a lieu une grande cérémonie, où on ressort le palanquin, les armes, les bannières, et une grande procession est organisée dans le village, avec un tas de jeux à l'ancienne et de costumes d'époque.

La princesse My Chau, sans sa tête, donc.





Après cette partie culturelle, hop, en voiture Simone, on est partis à 3km dans le village de Huong pour manger. Et pas seulement manger, pour participer à la préparation du repas! On a attrapé les ingrédients sur le chemin, et arrivés en cuisine, au travail les touristes!

"C'est moi qui l'ai faiiiiiiiiit!"
"Manon tu laisses le gateau du Têt frit tout de suite!"

Donc maintenant, je sais fabriquer des nems moi-même, que demande le peuple? Du coup on s'est empiffré de nos productions, c'était vraiment bon et je pense qu'on en refera à la maison, on a bien noté tous les ingrédients et comment on procédait. Si vous êtes très sages, je vous en ferai en rentrant à Paris ^^


Xavier est très déçu d'apprendre qu'il ne pourra pas manger TOUS les nems qu'on a confectionnés... 
Chez les parents de Huong, un intérieur typiquement vietnamien : gros meuble en bois laqué avec des incrustations de nacre, portrait d'Ho Chi Minh au mur, et le scooter dans le couloir ^^


Après le repas, on a eu une grande discussion sur la condition des femmes au Vietnam (ne me demandez pas comment on en est passé des nems au féminisme...).
Le côté positif ici, c'est par exemple que l'école étant obligatoire sous le régime communiste, les femmes ont pu s'alphabétiser beaucoup mieux et vite que dans d'autres pays d'Asie. En revanche, il y a toujours un poids de la société traditionnelle et une façon de voir les choses qui n'a pas beaucoup changé dans la génération précédent la nôtre. Ca commence à bouger un peu chez les jeunes, mais ça n'a pas l'air simple.
Huong a 28 ans, pile mon âge, que moi je trouve évidemment jeune! Ici pas trop : elle a 28 ans et elle n'est toujours pas mariée, elle commence vraiment à se faire un peu vieille pour ça. Ca angoisse un peu ses parents, si bien que son père a expédié sa mère pour lui en parler parce que ça va pas pouvoir continuer comme ça bien longtemps... Et encore, eux restent assez discrets.
Une autre des Vietnamiennes nous disaient que ses parents lui collent une pression d'enfer pour qu'elle se trouve un mari, parce que faire un master d'économie en Australie, c'est bien joli, mais c'est pas ça qui va te donner un bon mari, ma fille, à 25 ans, je vous le demande, à quoi ça ressemble de ne pas être mariée à cet âge? Tiens je te présente untel, va le voir, tu me dis si tu veux te marier avec lui ou pas, hein, décide-toi vite, parce qu'à ton âge tu ne peux pas te permettre de faire la fine bouche...
On sent qu'elles font ce qu'elles peuvent pour résister à la pression collective, mais que ça n'est pas facile tous les jours. Tout ça nous paraît évidemment assez ahurissant, de notre point de vue d'occidentales bien émancipées.
Elles sont d'autant moins enclines à se laisser forcer la main qu'ici on ne divorce pas, ou très peu, et que c'est très mal vu. En plus, c'est forcément la faute de l'épouse si le couple n'a pas marché, et c'est elle qui sera montrée du doigt par toute la communauté. De même, si un enfant est mal élevé, c'est la faute de sa mère, et uniquement de sa mère, et le père ne sera jamais mis en cause.
Bref, les filles ne nous ont pas conseillé de nous trouver un mari vietnamien, on y perdrait sacrement au change par rapport aux Occidentaux...

Pour finir sur une note plus guillerette, à force de galérer avec les prénoms des uns et des autres, on a rebaptisé tout le monde. Nos petites Vietnamiennes s'appellent maintenant Alice, Julie et Nathalie, quant à nous on a reçus des prénoms vietnamiens signifiant "héros, "homme fort", "fleur qui sent bon". Pour ma part je m'appelle Hông, "rose", un prénom très populaire et qui parait-il me va comme un gant...


mercredi 1 février 2012

Mai Chau, seconde partie

Après une bonne nuit de sommeil, nous voilà assez tôt sur le pied de guerre pour un petit-déjeuner des champions, les fameuses crêpes à la banane dont j'ai déjà parlé. Après quoi hop, tout le monde dans le mini-bus pour une petite heure de route. On est de nouveau monté au col, qui était toujours dans une purée de poix indescriptible, à tel point que Maurice a même douté de la faisabilité de la marche qu'on devait accomplir un peu plus bas, à 1200m d'altitude.

Arrivé au point de départ de la randonné, on a décidé d'y aller quand même : c'était très brumeux mais un peu plus dégagé qu'au col, et de toute façon c'eut été dommage de venir jusque là pour repartir aussi sec. On a donc marché toute la matinée au milieu de la montagne ; à cause de la brume assez épaisse, on a raté la vue sur les "pitons karstiques" très caractéristiques, ce sont les mêmes qu'on voit à la baie d'Halong et qui s'étendent en fait sur 1200km de chaîne montagneuse jusqu'à la Chine.
Néanmoins, ça donnait des paysages assez fantastiques, perdus au milieu de nul part, noyés dans la brume. Ca s'est un peu dégagé sur la fin de la matinée, mais quand on a commencé à marcher, on se serait cru au milieu d'une estampe à l'encre de chine.







Sur le trajet on a traversé quelques villages complètement perdus dans la montagne. En hauteur les maisons sont différentes, toujours en bois mais bâties sans pilotis. On n'a croisé quasiment personne, d'abord il faisait moche, mais surtout Têt oblige, les gens restent chez eux à se reposer en famille ; pour beaucoup de gens au Vietnam c'est d'ailleurs la seule semaine de vacances qu'ils ont dans l'année. (Croyez-moi, ici, on nous prend pour des menteurs quand on parle des 35h et des semaines de congés, ça les fait halluciner.)

Cette ballade m'a relativement marquée dans le sens où on était vraiment dans un autre monde. C'est très étrange parce qu'on a tout a fait vu le type de maison, d'habitat, de vêtements traditionnels qui sont présentés au musée d'ethnographie ; à cette différence près qu'il ne s'agit pas du passé mais des conditions réelles de vie des minorités à l'heure actuelle. Ils vivent au milieu des montagnes, dans des villages perdus au milieu de nul part, et dans des conditions de confort et de modernité qui nous paraissent, à nous occidentaux, complètement effarantes. Il y a quelques traces de fils électriques, de scooters, et la télévision ; mais ceci mis à part, ils continuent à vivre de l'artisanat, de l'élevage, des cultures, les maisons sont toujours bâties en bois sur le modèle traditionnel, les filles portent les tenues brodées de leur ethnie.
Ca n'est pas pour faire joli, ça n'est pas folklorique pour les touristes, c'est leur vie de tous les jours. Je ne sais pas trop comment exprimer cette sensation que j'ai eue. Plus encore qu'à Hanoï, qui est très différente des villes européennes mais reste un gros centre urbain, j'ai vraiment eu l'impression d'être à l'autre bout du monde et totalement déconnectée de la réalité que je connais.








Autre élément surprenant, on trouve même dans les plus petits villages les bâtiments officiels, dans des tons jaunes orangés, avec au minimum la mairie et une école (le taux d'alphabétisation au Vietnam est très élevé, l'école étant obligatoire par décision du Parti). Mai Chau, qui est une bourgade d'à peine 500 habitants, est équipé d'un complexe énorme avec siège du Parti, école collège lycée, maison de la culture, etc, le tout taillé dans le gigantisme propre au communisme, assez disproportionné par rapport à la taille de la ville. Les tous petits villages traversés dans la montagne avaient une école et une mairie, très facilement repérables vu la différence avec les maisons en bois.


Des champs de pruniers fleuris de blanc, noyés dans le brouillard.



"Ola étranger, t'approche pas trop de nos petits cochons noirs, c'est notre dîner."


Après cette matinée de petite randonnée, retour chez Madame Chung pour se caler l'estomac. Au moment du café, Maurice nous a raconté à notre demande toute l'histoire des guerres coloniales. Il a une mémoire incroyable, particulièrement en ce qui concerne le conflit franco-vietnamien, et il nous fait le déroulé de toute la bataille de Dien Bien Phu, quasiment heure par heure, en nous sortant les noms des officiers, les lieux, les patelins, les tactiques, les évènements un par un, on s'y serait cru ou presque! 
C'était très intéressant car je dois avouer que si je connais les grandes lignes, je ne me suis jamais trop penchée en détail sur la guerre d'Indochine. Et surtout, on avait les commentaires de Hang, c'est à dire le point de vue diamétralement opposé : sa famille était composée de Viet Minh extrêmement actifs, c'est à dire de nationalistes communistes, à tel point que son grand-père était un ami proche d'Ho Chi Minh, lequel le nomma Gouverneur Général de la Banque du Vietnam, après que les Français aient quitté la place. Ca nous en a bouché un coin. C'est là qu'on se rend compte que ce qu'on apprend dans les livres d'histoire et les encyclopédies ne reflétera jamais la grande complexité de ce genre de conflit avec leurs innombrables sons de cloche différents. 

Après cette séance histoire et culture, on est retourné se promener tranquillement à pied aux alentours. De nouveau quelques achats (c'est à ce moment-là que j'ai craqué pour deux grandes tentures que je vais accrocher aux murs de ma chambre pour l'égayer un peu). On fait des progrès, avec Xavier on a réussi à faire baisser un peu les prix en achetant groupé ^^

Ensuite, va savoir ce qui nous a attrapés, les garçons ont dit "tiens, j'irai bien voir si'l y a un sentier qui permet de monter en haut, là", et moi j'ai fait bêtement "mais ça a l'air loin, et en plus il fait nuit dans une heure et demi", ils ont répondu "Rhoooooo", et j'ai dit "Bon d'accord". 

Du coup on est allé au pied de la grosse colline petite montagne, on a regardé si on trouvait un sentier. On a mimé ça à une dame qui nous a entraîné au fond de son jardin pour nous ouvrir une barrière toute épineuse : hop en avant! Bon le chemin en terre grimpait sec au milieu des bambous et de la caillasse, d'ailleurs c'est très étrange car le calcaire s'effrite en une espèce de feuilleté assez acéré et tranchant.  J'ai bien craché mes poumons pour grimper là-haut, surtout que je n'avais pas vraiment les bonnes chaussures, particulièrement quand on est arrivé au sommet et qu'il y avait un amas rocheux tout acéré à grimper pour être vraiment tout en haut. Au début j'ai dit "bon je monte pas les derniers mètres,  je vais me tuer avec mes baskets à la noix", les garçons ont fait "oui oui", et puis comme ça m'emmerdait de rester toute seule en bas, je les ai rejoint quand même en me râpant un peu les doigts mais sans perdre de cheville en route. Ca valait le coup, on avait une vue superbe sur les vallées des deux côtés. 





A un moment on s'est dit que c'était beau mais qu'on redescendait parce qu'on avait même pas une  lampe de poche, que ce serait ballot de se retrouver tout là-haut comme des couillons dans le noir, surtout que l'éclairage public dans le coin on peut se brosser, et que même si on réussissait à descendre sans lumière on allait terminer dans une rizière avant d'atteindre notre village. Nous avons donc exécuté ce plan génial sans encombre... (J'espère que vous notez que, contrairement à ce qui aurait dû se produire auparavant, je n'ai pas terminée pendue par les pieds en haut d'un bambou, ni avec une quadruple fracture du mollet, ou encore immergée dans une rizière boueuse jusqu'au cou. Remarque pour la rizière c'est passé pas loin, mais évité. Je progresse indéniablement).

Le soir, Maurice a ouvert une bouteille de champagne qu'il avait ramené de Hanoï, histoire de conclure la journée dans la joie et la bonne humeur. Je ne sais pas si c'est parce que c'était notre dernier dîner sur place, mais on a eu un des meilleurs repas que j'ai mangé depuis mon arrivée, à ce stade-là je n'étais plus repue mais gavée comme une oie... Du coup après le dîner, bah une séance d'aérobic avec Hang histoire de se secouer un peu, là, hein! Ca nous a réchauffées, mais je crois qu'on a de sérieux problèmes de coordination à corriger, ce qui a mis en joie Maurice et Xiuan.

Voilà voilà. Le lendemain on est reparti tranquillement dans la matinée, et on a encore eu un épisode surprenant en route. J'avais demandé à Maurice si on pouvait s'arrêter près des plantations de thé, pour faire une photo et l'envoyer à ma marraine (elle et sa fille sont torréfacteurs à Bourg-en-Bresse, voilà pourquoi). On s'est arrêté au bord de la route, on a traversé un petit pont en bambou et on a quand même demandé aux gens dans la maison si on pouvait passer derrière pour aller voir leurs champs. Non seulement ils nous l'ont permis avec un grand sourire, ils nous ont accompagnés, mais après ils ont absolument tenu à ce qu'on rentre chez eux pour prendre le thé. Ils nous ont offert à boire, ainsi que des espèces de...  comment décrire ça... "gâteau", parce que c'était sucré, mais ça se présentait plutôt sous la forme d'une plaquette marron gluante emballée dans des feuilles de bananier (franchement, c'était assez repoussant d'aspect mais super bon). En fait c'est de la farine de riz infusée avec des plantes et fourrée dedans avec des des espèces de châtaignes, ça sortait tout juste du four à bois, trop bon!

Le surprenant en soit n'est pas la nourriture qu'ils nous ont offerte, c'est ce sens incroyable de l'accueil et de l'hospitalité. Partout où on se promène, les gens vous sourient, vous font des coucous, pour peu qu'on en fasse autant ils vont vous inviter à entrer chez eux, à partager un thé, voire un repas, alors qu'on n'est que des étrangers qui passent sur la route et qu'on n'a parfois pas un mot en commun. C'est peut-être ce qui me manquera le plus quand je vais rentrer en France...


Je finis brièvement la fin de nos vacances du Têt : le lendemain du retour on était invités officiellement chez notre voisin M.Cahn. Je ne sais plus trop si je vous ai déjà parlé de lui. Il a 82 ans, était ingénieur en mécanique lourde, a passé 4 ans en Allemagne, parle un français remarquable appris à l'école quand il était enfant, et il nous aime bien. A chaque fois qu'on va chez lui, il n'a de cesse de nous gaver de fruits, de thé, voire de "zio" (alcool de riz, ça cogne), de cigarettes et de biscuits.
Pour le Têt, on a été reçu en ambassade officielle : le petit salon était reluisant de propreté, une tonne de douceurs sur la table d'apéritif, du très bon vin. Il nous a offert le petit cadeau traditionnel: des billets flambants neufs, emballés dans des enveloppes rouge et or, qui doivent apporter la chance, la prospérité et la santé pour l'année à venir. Ca nous a d'autant plus touchés qu'on ne fait pas partie de la famille mais il nous a dit que c'était "presque pareil".



On a mangé avec lui, son gendre et son petit-fils ; toutes les femmes de la maison étaient en cuisine et on ne les a pas vues sauf pour le service, ce que j'ai trouvé un peu étrange mais leur façon de faire ne sont pas les nôtres, voilà tout. Elles nous ont régalé de "Bun Cha", soit un bol de sauce dans lequel o mêle des nouilles de riz froides, des brochettes de porc grillées, presque confites, saupoudrées de cacahuètes, plus des nems à tomber par terre, plus une soupe qu'on confectionne traditionnellement pour le Têt, plus le gâteau traditionnel du Têt (un pavé de riz gluant avec de la pâte de haricot et du porc au milieu, c'est... nourrissant) qu'on mange avec du pâté...
Vous n'avez qu'à regarder la photo ci-dessus, les plats se remplissaient au fur et à mesure qu'on les vidait.  J'ai cru mourir d'indigestion en cours de route. Franchement, déjà dans les restaurants on mange très très bien, mais alors la cuisine maison au Vietnam! Djizeuss Chraïste, mais si on m'avait fait ça à manger dès le début, je prenais 6kg au lieu de les perdre! Quand on est ressorti à 14h, on aurait pu rouler sur les 5m qui séparent nos maisons!

Ici s'achève le récit de la semaine de vacances du Têt. Ca a vraiment été un très bon moment, à Hanoï et à Mai Chau, par les lieux qu'on a visités, mais surtout par les rencontres qu'on a faites... On a déjà prévu de retourner à Mai Chau fin Mars, quand il fera un peu meilleur et que les rizières seront replantées, en emmenant tous les copains. J'espère qu'on s'y fera à nouveau d'aussi belles vacances que celles-ci!