mercredi 21 mars 2012

Quelques nouvelles, et du militaire...

Chers amis,

J'ai eu des protestations parce que je ne donnais plus de nouvelles sur le blog et certains se demandaient si j'étais encore en vie. La réponse est oui, comme vous vous le figurez en lisant ce message. Mon absence de papotage avec vous vient de plusieurs faits.

D'abord, je suis sur un gros projet qui doit bientôt se terminer, j'ai réalisé toute la maquette d'un livre de 300 pages sur le design durable du bambou (je suis devenue incollable sur le bambou, du coup). C'est la première fois que je m'attaque à un livre entier, et, même si je suis passée à deux doigts de manger des gens après les avoir broyé au piment dans un mixer rouillé, vu la façon dont c'est organisé, je suis contente d'avoir pu réaliser ça (je serai encore plus contente quand ça partira demain à l'imprimerie et que j'arrêterai de bosser dessus 14h par jour avec une ou deux nuits blanches en supplément).

Sinon j'ai passé les deux dernières semaines bien malade, ce qui n'a pas aidé non plus à la mise à jour. La température nous a fait des choses très bizarres il y a 15 jours, en l'espace de 48h on passait de 12° à 28°, puis ça redescendait brusquement, puis ça remontait sans prévenir... Donc le yoyo météo combiné à l'humidité et la pollution galopante, tout le monde est malade, y compris les Vietnamiens d'ailleurs. J'ai passé 3 jours au fond de mon lit avec une fièvre de cheval en crachant mes poumons, c'était super! Après quoi à peine remise de mes émotions j'ai dû manger un truc pas net dans un restaurant, et paf, rebelotte, encore malade!
Du coup j'ai encore perdu 2kg avec toutes ces bêtises, je vous jure, bientôt je vais passer sous les portes. J'essaie de me forcer à manger, mais même quand c'est bon, je cale au bout d'une demi-assiette. Je ne sais pas si c'est le climat, le fait que l'air soit très lourd maintenant qu'il fait un peu chaud (et ça va pas s'arranger), mais il est vrai que j'ai assez peu d'appétit... Enfin voilà, vous allez me retrouver très mince quand je vais rentrer, ce qui ne m'empêche pas d'être toujours un dindon obèse par rapport aux Vietnamiennes. Van, la collègue de Manon, fait 42kg... Tu m'étonnes qu'avec 15 à 20 kg de plus en moyenne on ne rentre pas dans leur vêtements de nain!

Je profite de ce que j'ai un peu de temps et que je suis lancée pour vous parler du musée de l'armée, que j'ai dû faire il y a bien un mois et demi, mais que je n'ai pas eu le temps de vous raconter.  Comment dire... C'est cocasse!

Déjà, dès l'arrivée, le bâtiment est flanqué d'un avion de chasse et d'un char d'assaut, avec panneau racontant que quand même, haha, qu'est-ce qu'on vous a mis.... Dans le hall, dès qu'on entre, on tombe devant une énorme fresque à la gloire d'Ho Chi Minh et de l'armée vietnamienne. Bref, l'ambiance est posée.

Ca doit bien faire 8 à 10 mètres de large, mine de rien. C'est un tantinet... imposant. 

Imaginez un peu que par exemple, chez nous, on fasse un musée de l'armée. Et dedans on mettrait par exemple la seconde guerre mondiale, soit le conflit le plus récent, en expliquant qu'on a mis une branlée aux Allemands, mais bien, hein, on vous quand même sacrément écrasé la gueule, et on en est TRES contents, parce que quand même on est un peu vachement plus héroïque que vous, bande de fiottes, et encore je reste poli quand à ce que je pense de votre mère, votre grand-mère, et toute vos ascendantes côté maternel. Et même qu'on s'essuie les pieds sur votre figure, avec beaucoup de contentement.

Bon ben voilà, le musée de l'armée d'Ha Noi, c'est un peu ça. Ils nous expliquent en long, en large et en travers qu'ils ont mis dehors les Chinois, puis les Français, puis les Américains, et que c'est bien fait pour nos sales tronches de cake d'emmerdeurs patentés.
En soit, on ne peut pas vraiment leur en vouloir, ils étaient quand même chez eux, mais il y a un côté totalement politiquement incorrect dans la façon dont c'est exprimé. En fait je ne sais pas si c'est vraiment volontaire: les panonceaux sont écrits en vietnamien, traduits en anglais avec une chaussette, et le mec qui a terminé la traduction en français devait être bourré comme un coing, je ne vois pas d'autre explication...

Ca donne des sous-titres du style "Epée ramassée sur le cadavre d'un laquais des français par untel, héros de la Nation". Oui parce que tous les objets, depuis la gamelle à tambouille jusqu'à l'hélicoptère de combat, ont été pris à l'ennemi par le colonel machin, Héros du Parti douze fois décoré pour sa bravoure, ou encore par une Unité Héroïque de Valeureux Soldats de la Patrie, etc etc.






Au final, ça donne un assemblage de trucs complètement hétéroclites, parfois un peu redondants, classés plus ou moins par ordre chronologique. L'aspect amusant dont je parlais finit quand même par s'effacer devant les témoignages de guerre. Même si la façon dont c'est présenté est tellement partisane que ça en deviendrait drôle, ça fait un drôle d'effet de voir aligné dans les vitrines, tout le long d'une grande salle, tous les objets qui ont été ramassé sur le champs de bataille de Dien Bien Phû, par exemple. Des objets bien de chez nous, comme un réveil matin Peugeot, ou encore des barrettes de décoration d'officier français capturés.

Il y a pas mal de photos d'époque au mur, ça donne un côté vivant aux explications assez succinctes, et ça finirait même par être un peu émouvant. (Sur les 12000 prisonniers fait par le Vietminh à Dien Bien Phû, 70% ne sont pas revenus des "camps de rééducation". C'est le genre de statistique qui a tendance a vous refroidir un tantinet dans vos élans de cocasserie.)



Ca ne vous évoque peut-être rien, mais comme j'ai toujours vu ce genre de choses sur les uniformes de la moitié de ma famille, ça a tendance à m'interpeller quelque peu.


C'est avec ça que les Vietnamiens ont ramené je ne sais plus combien de tonnes de matériel dans la jungle, 250kg de chargement en moyenne par vélo pour transporter en morceau les canons lourds qui ont pilonné Dien Bien Phû.
Retour à l'hilarité quand on sort du musée pour la partie extérieure, où ils ont entassé une tripotée d'engins de combat pris à l'ennemi, char d'assaut, mitrailleuse, rampe de lancement de missiles, avions, transport de troupe, hélicoptère, etc etc, dispatchés en vrac dans les cours. Un peu comme si à la fin de la guerre, ils s'étaient dit : "Bon, et maintenant, on en fait quoi de tout ça? Ben on va le mettre là dehors en attendant hein..."
Le pompon, c'est une espèce de... comment expliquer ça... Au début, de loin, j'ai cru que c'était une carcasse de B52 la tête en bas. Que nenni, ma bonne dame. C'est un amas, un tas, un monticule de réacteurs cramés, des morceaux de tôle, d'ailes d'avion déchiquetées, de bouts d'appareil devenus impossible à identifier, de portes de jeep, bref un tas de merdier innommable qui forme une pyramide à la gloire de tout ce qui a été abattu. Il faut le voir pour le croire.

Nan mais quand même, je vous jure, on a pas idée...

Joachim, pilote d'hélicoptère en devenir. Oui parce qu'on peut monter dans certains véhicules, lesquels sont pleins d'impact de balles ou de trace de brûlé. Joachim risque d'avoir du mal à décoller du coup... 
Donc voilà, une visite assez intéressante, mais il faut connaître un peu l'histoire du pays car tout n'est pas bien expliqué. Ca n'est pas le musée du siècle, mais je pense qu'il faut prendre la peine d'y aller si on veut un peu comprendre ce qui s'est passé sur le dernier siècle dans ce pays.

dimanche 4 mars 2012

Des rizières, du bambou et des zoiseaux


Bon j'ai eu des plaintes et des récriminations parce que je n'avais pas donné de nouvelles depuis un moment. Rassurez-vous donc, je suis en vie, c'est juste que j'ai un peu moins de choses à vous raconter parce que les deux derniers week-ends, je suis restée à peu près au calme à Hanoï. C'est bien joli de courir partout mais là j'avais juste besoin d'un peu de repos.
Du coup on en a profité surtout pour ne rien faire, se ballader un petit peu, faire du shopping. Remarque il aurait peut-être mieux valu éviter, parce que le week-end dernier ça a été le massacre niveau vêtement. Bon il fallait bien que je me rhabille un peu vu que tous mes pantalons sont trop grands (la vieille excuse). J'ai ENFIN trouvé un jean dans lequel caler mon hippopotamesque derrière, me voici donc dotée d'un pseudo "Dolce&Gabbana" payé moins de dix euros, et encore j'ai pas pris le pseudo Clavin Klein... je peux vous dire que les lois anti-contrefaçons ne les étouffent pas ici! Le pire c'est qu'ils n'en sont parfois même pas conscients, une collègue a soutenu mordicus que si, si, son blouson Chanel c'est un vrai, elle l'a payé cher (au moins 50 dollars) et que c'est pas un faux! Si Coco Chanel voyait cette petite veste panthère à paillettes, elle se retournerait dans sa tombe...

Sinon plus intéressant que mes aventures dans les magasins : mardi la design team devait se rendre au village de Cat Bang pour rencontrer les artisans du bambou avec lesquels SPIN travaille, et du coup j'ai demandé à venir pour une fois, même si je ne suis pas designer mobilier, juste pour prendre les photos et sortir le nez du bureau.

On est parti tôt le matin, 2h de route pour arriver dans la province de Nimh Bihn, qui correspond à peu près à la baie d'Ha Long terrestre. De façon étonnante, on a croisé pas mal d'églises, qui sont bâties sur le plan d'une église romaine classique, mais avec toutes sortes de décorations, de toits à pans coupés et de fioritures sculptées comme sur les pagodes, le mélange est assez cocasse. J'espère revenir bientôt pour y flâner un peu.

Sur les bords de la route, beaucoup d'activité : on est à la période du replantage des pieds de riz. Toutes les rizières sont donc ratissées, on sort les pieds de riz qui ont passé l'hiver sous bâche et qui sont maintenant bien verts, et on replante ça bien espacé. On transporte les pieds de riz des fois sur des vélos trafiqués pour servir de brouette, c'est assez ingénieux. Il y a des villages entiers qui pataugent donc dans la boue pour faire tout ça, à la main bien évidemment, c'est un travail de titan. En plus il ne fait pas encore bien chaud, passer la journée les pieds dans l'eau par 12°, ça ne doit pas être facile...

C'est tout vert dehors, ça nous met un peu de gaieté dans le côté brumeux permanent (ha oui la météo ça s'arrange toujours pas, disons-le franchement...)

Un vélo-brouette pas très chargé, on peut transporter jusqu'à 6 ou 7 paniers de pousses de riz.

Arrivé à Cat Bang, on est donc allé dans la fabrique. Ils découpent le bambou en latte très fine, après quoi on l'enroule pour faires des espèces de galettes plates, qu'on met sur des tours où on leur donne la forme voulue. Après quoi on ponce pour lisser les aspérités, et on laque pour avoir un beau fini brillant. Astrid a fait toutes sortes d'expériences, pour essayer de teindre le bambou, et pour faire des motifs en relief avec de la poudre de bambou et de la colle. La teinture ça marchait bien, très belle couleur, mais le mélange colle/poudre a juste dégouliné assez lamentablement, c'est trop liquide...

La fabrique avec les filles qui font le fini des objets...

... lesquels sont tous faits à la main de A à Z, avec une dextérité impressionnante.


Astrid, reine du bambou! (J'adore cette photo xD )

Voilà ce que ça donne quand c'est poncé et bien lissé. Ils laquent après, moi j'aurai presque voulu qu'on laisse ça tel que sans y remettre de couleur et de glaçage.


L'autre technique, dans une fabrique voisine, consiste à compresser les lattes de bambou avec une colle naturelle, puis à découper la forme qu'on veut dans les planches obtenues. On a bien rigolé avec Astrid, deux petites mamies sont venues nous donner leur avis, elles aimaient pas trop le prototype d'Astrid parce que c'était pas bien lissé volontairement, et puis bon elles aiment mieux quand c'est bien lisse, c'est plus beau quoi, là ça fait un peu cracra... Comme d'habitude, partout où on va, tout le monde nous fait des grands coucous et vient voir ce qu'on fait, ça glousse, ça caquète, ça rigole, bref il y a toujours de l'ambiance!

"Ben là mon poussin, c'est du travail de cochon ton bidule, hein, va falloir voir à faire ça plus proprement..."

Accessoirement, à Cat Bang il y a beaucoup de travail du bois et on y trouve toutes sortes d'objets ritules pour les pagodes ou les autels des ancêtres. Il faut savoir que toutes les maisons, les magasins, les hôtels, les restaurants, les fabriques ont un autel des ancêtres, où on met des offrandes tous les jours, afin de s'attirer la protection des dits ancêtres et d'écarter les mauvais génies. Plus la famille est riche, plus l'autel sera grand et garnis d'objets rituels et d'offrandes.

Par curiosité, j'ai demandé à une de mes collègues combien coûtaient les oiseaux en bois qu'on y trouve souvent, et elle m'a répondu "Je sais pas, on a qu'à aller demander, comment ça tu veux pas déranger parce qu'on travaille, mais ce sera vachement moins cher si on l'achète ici qu'à Hanoï, allez hop viens on va te les acheter tes oiseaux!". Du coup, paf, me voilà l'heureuse propriétaire d'un couple de phénix en bois peints et laqués, je suis amoureuse, ils sont trop beaux, et encore, j'ai été raisonnable, j'ai pris des petits, les plus grands qu'on trouve dans les pagodes peuvent faire deux mètres de haut mais ça rentrait pas dans la voiture... (vous n'imaginez pas la quantité de bazar que j'ai déjà accumulé, il va me falloir un container pour tout ramener à Paris, ça va être le massacre pour ranger tout ça en rentrant...)

TADAAAAAA!