mercredi 1 février 2012

Mai Chau, seconde partie

Après une bonne nuit de sommeil, nous voilà assez tôt sur le pied de guerre pour un petit-déjeuner des champions, les fameuses crêpes à la banane dont j'ai déjà parlé. Après quoi hop, tout le monde dans le mini-bus pour une petite heure de route. On est de nouveau monté au col, qui était toujours dans une purée de poix indescriptible, à tel point que Maurice a même douté de la faisabilité de la marche qu'on devait accomplir un peu plus bas, à 1200m d'altitude.

Arrivé au point de départ de la randonné, on a décidé d'y aller quand même : c'était très brumeux mais un peu plus dégagé qu'au col, et de toute façon c'eut été dommage de venir jusque là pour repartir aussi sec. On a donc marché toute la matinée au milieu de la montagne ; à cause de la brume assez épaisse, on a raté la vue sur les "pitons karstiques" très caractéristiques, ce sont les mêmes qu'on voit à la baie d'Halong et qui s'étendent en fait sur 1200km de chaîne montagneuse jusqu'à la Chine.
Néanmoins, ça donnait des paysages assez fantastiques, perdus au milieu de nul part, noyés dans la brume. Ca s'est un peu dégagé sur la fin de la matinée, mais quand on a commencé à marcher, on se serait cru au milieu d'une estampe à l'encre de chine.







Sur le trajet on a traversé quelques villages complètement perdus dans la montagne. En hauteur les maisons sont différentes, toujours en bois mais bâties sans pilotis. On n'a croisé quasiment personne, d'abord il faisait moche, mais surtout Têt oblige, les gens restent chez eux à se reposer en famille ; pour beaucoup de gens au Vietnam c'est d'ailleurs la seule semaine de vacances qu'ils ont dans l'année. (Croyez-moi, ici, on nous prend pour des menteurs quand on parle des 35h et des semaines de congés, ça les fait halluciner.)

Cette ballade m'a relativement marquée dans le sens où on était vraiment dans un autre monde. C'est très étrange parce qu'on a tout a fait vu le type de maison, d'habitat, de vêtements traditionnels qui sont présentés au musée d'ethnographie ; à cette différence près qu'il ne s'agit pas du passé mais des conditions réelles de vie des minorités à l'heure actuelle. Ils vivent au milieu des montagnes, dans des villages perdus au milieu de nul part, et dans des conditions de confort et de modernité qui nous paraissent, à nous occidentaux, complètement effarantes. Il y a quelques traces de fils électriques, de scooters, et la télévision ; mais ceci mis à part, ils continuent à vivre de l'artisanat, de l'élevage, des cultures, les maisons sont toujours bâties en bois sur le modèle traditionnel, les filles portent les tenues brodées de leur ethnie.
Ca n'est pas pour faire joli, ça n'est pas folklorique pour les touristes, c'est leur vie de tous les jours. Je ne sais pas trop comment exprimer cette sensation que j'ai eue. Plus encore qu'à Hanoï, qui est très différente des villes européennes mais reste un gros centre urbain, j'ai vraiment eu l'impression d'être à l'autre bout du monde et totalement déconnectée de la réalité que je connais.








Autre élément surprenant, on trouve même dans les plus petits villages les bâtiments officiels, dans des tons jaunes orangés, avec au minimum la mairie et une école (le taux d'alphabétisation au Vietnam est très élevé, l'école étant obligatoire par décision du Parti). Mai Chau, qui est une bourgade d'à peine 500 habitants, est équipé d'un complexe énorme avec siège du Parti, école collège lycée, maison de la culture, etc, le tout taillé dans le gigantisme propre au communisme, assez disproportionné par rapport à la taille de la ville. Les tous petits villages traversés dans la montagne avaient une école et une mairie, très facilement repérables vu la différence avec les maisons en bois.


Des champs de pruniers fleuris de blanc, noyés dans le brouillard.



"Ola étranger, t'approche pas trop de nos petits cochons noirs, c'est notre dîner."


Après cette matinée de petite randonnée, retour chez Madame Chung pour se caler l'estomac. Au moment du café, Maurice nous a raconté à notre demande toute l'histoire des guerres coloniales. Il a une mémoire incroyable, particulièrement en ce qui concerne le conflit franco-vietnamien, et il nous fait le déroulé de toute la bataille de Dien Bien Phu, quasiment heure par heure, en nous sortant les noms des officiers, les lieux, les patelins, les tactiques, les évènements un par un, on s'y serait cru ou presque! 
C'était très intéressant car je dois avouer que si je connais les grandes lignes, je ne me suis jamais trop penchée en détail sur la guerre d'Indochine. Et surtout, on avait les commentaires de Hang, c'est à dire le point de vue diamétralement opposé : sa famille était composée de Viet Minh extrêmement actifs, c'est à dire de nationalistes communistes, à tel point que son grand-père était un ami proche d'Ho Chi Minh, lequel le nomma Gouverneur Général de la Banque du Vietnam, après que les Français aient quitté la place. Ca nous en a bouché un coin. C'est là qu'on se rend compte que ce qu'on apprend dans les livres d'histoire et les encyclopédies ne reflétera jamais la grande complexité de ce genre de conflit avec leurs innombrables sons de cloche différents. 

Après cette séance histoire et culture, on est retourné se promener tranquillement à pied aux alentours. De nouveau quelques achats (c'est à ce moment-là que j'ai craqué pour deux grandes tentures que je vais accrocher aux murs de ma chambre pour l'égayer un peu). On fait des progrès, avec Xavier on a réussi à faire baisser un peu les prix en achetant groupé ^^

Ensuite, va savoir ce qui nous a attrapés, les garçons ont dit "tiens, j'irai bien voir si'l y a un sentier qui permet de monter en haut, là", et moi j'ai fait bêtement "mais ça a l'air loin, et en plus il fait nuit dans une heure et demi", ils ont répondu "Rhoooooo", et j'ai dit "Bon d'accord". 

Du coup on est allé au pied de la grosse colline petite montagne, on a regardé si on trouvait un sentier. On a mimé ça à une dame qui nous a entraîné au fond de son jardin pour nous ouvrir une barrière toute épineuse : hop en avant! Bon le chemin en terre grimpait sec au milieu des bambous et de la caillasse, d'ailleurs c'est très étrange car le calcaire s'effrite en une espèce de feuilleté assez acéré et tranchant.  J'ai bien craché mes poumons pour grimper là-haut, surtout que je n'avais pas vraiment les bonnes chaussures, particulièrement quand on est arrivé au sommet et qu'il y avait un amas rocheux tout acéré à grimper pour être vraiment tout en haut. Au début j'ai dit "bon je monte pas les derniers mètres,  je vais me tuer avec mes baskets à la noix", les garçons ont fait "oui oui", et puis comme ça m'emmerdait de rester toute seule en bas, je les ai rejoint quand même en me râpant un peu les doigts mais sans perdre de cheville en route. Ca valait le coup, on avait une vue superbe sur les vallées des deux côtés. 





A un moment on s'est dit que c'était beau mais qu'on redescendait parce qu'on avait même pas une  lampe de poche, que ce serait ballot de se retrouver tout là-haut comme des couillons dans le noir, surtout que l'éclairage public dans le coin on peut se brosser, et que même si on réussissait à descendre sans lumière on allait terminer dans une rizière avant d'atteindre notre village. Nous avons donc exécuté ce plan génial sans encombre... (J'espère que vous notez que, contrairement à ce qui aurait dû se produire auparavant, je n'ai pas terminée pendue par les pieds en haut d'un bambou, ni avec une quadruple fracture du mollet, ou encore immergée dans une rizière boueuse jusqu'au cou. Remarque pour la rizière c'est passé pas loin, mais évité. Je progresse indéniablement).

Le soir, Maurice a ouvert une bouteille de champagne qu'il avait ramené de Hanoï, histoire de conclure la journée dans la joie et la bonne humeur. Je ne sais pas si c'est parce que c'était notre dernier dîner sur place, mais on a eu un des meilleurs repas que j'ai mangé depuis mon arrivée, à ce stade-là je n'étais plus repue mais gavée comme une oie... Du coup après le dîner, bah une séance d'aérobic avec Hang histoire de se secouer un peu, là, hein! Ca nous a réchauffées, mais je crois qu'on a de sérieux problèmes de coordination à corriger, ce qui a mis en joie Maurice et Xiuan.

Voilà voilà. Le lendemain on est reparti tranquillement dans la matinée, et on a encore eu un épisode surprenant en route. J'avais demandé à Maurice si on pouvait s'arrêter près des plantations de thé, pour faire une photo et l'envoyer à ma marraine (elle et sa fille sont torréfacteurs à Bourg-en-Bresse, voilà pourquoi). On s'est arrêté au bord de la route, on a traversé un petit pont en bambou et on a quand même demandé aux gens dans la maison si on pouvait passer derrière pour aller voir leurs champs. Non seulement ils nous l'ont permis avec un grand sourire, ils nous ont accompagnés, mais après ils ont absolument tenu à ce qu'on rentre chez eux pour prendre le thé. Ils nous ont offert à boire, ainsi que des espèces de...  comment décrire ça... "gâteau", parce que c'était sucré, mais ça se présentait plutôt sous la forme d'une plaquette marron gluante emballée dans des feuilles de bananier (franchement, c'était assez repoussant d'aspect mais super bon). En fait c'est de la farine de riz infusée avec des plantes et fourrée dedans avec des des espèces de châtaignes, ça sortait tout juste du four à bois, trop bon!

Le surprenant en soit n'est pas la nourriture qu'ils nous ont offerte, c'est ce sens incroyable de l'accueil et de l'hospitalité. Partout où on se promène, les gens vous sourient, vous font des coucous, pour peu qu'on en fasse autant ils vont vous inviter à entrer chez eux, à partager un thé, voire un repas, alors qu'on n'est que des étrangers qui passent sur la route et qu'on n'a parfois pas un mot en commun. C'est peut-être ce qui me manquera le plus quand je vais rentrer en France...


Je finis brièvement la fin de nos vacances du Têt : le lendemain du retour on était invités officiellement chez notre voisin M.Cahn. Je ne sais plus trop si je vous ai déjà parlé de lui. Il a 82 ans, était ingénieur en mécanique lourde, a passé 4 ans en Allemagne, parle un français remarquable appris à l'école quand il était enfant, et il nous aime bien. A chaque fois qu'on va chez lui, il n'a de cesse de nous gaver de fruits, de thé, voire de "zio" (alcool de riz, ça cogne), de cigarettes et de biscuits.
Pour le Têt, on a été reçu en ambassade officielle : le petit salon était reluisant de propreté, une tonne de douceurs sur la table d'apéritif, du très bon vin. Il nous a offert le petit cadeau traditionnel: des billets flambants neufs, emballés dans des enveloppes rouge et or, qui doivent apporter la chance, la prospérité et la santé pour l'année à venir. Ca nous a d'autant plus touchés qu'on ne fait pas partie de la famille mais il nous a dit que c'était "presque pareil".



On a mangé avec lui, son gendre et son petit-fils ; toutes les femmes de la maison étaient en cuisine et on ne les a pas vues sauf pour le service, ce que j'ai trouvé un peu étrange mais leur façon de faire ne sont pas les nôtres, voilà tout. Elles nous ont régalé de "Bun Cha", soit un bol de sauce dans lequel o mêle des nouilles de riz froides, des brochettes de porc grillées, presque confites, saupoudrées de cacahuètes, plus des nems à tomber par terre, plus une soupe qu'on confectionne traditionnellement pour le Têt, plus le gâteau traditionnel du Têt (un pavé de riz gluant avec de la pâte de haricot et du porc au milieu, c'est... nourrissant) qu'on mange avec du pâté...
Vous n'avez qu'à regarder la photo ci-dessus, les plats se remplissaient au fur et à mesure qu'on les vidait.  J'ai cru mourir d'indigestion en cours de route. Franchement, déjà dans les restaurants on mange très très bien, mais alors la cuisine maison au Vietnam! Djizeuss Chraïste, mais si on m'avait fait ça à manger dès le début, je prenais 6kg au lieu de les perdre! Quand on est ressorti à 14h, on aurait pu rouler sur les 5m qui séparent nos maisons!

Ici s'achève le récit de la semaine de vacances du Têt. Ca a vraiment été un très bon moment, à Hanoï et à Mai Chau, par les lieux qu'on a visités, mais surtout par les rencontres qu'on a faites... On a déjà prévu de retourner à Mai Chau fin Mars, quand il fera un peu meilleur et que les rizières seront replantées, en emmenant tous les copains. J'espère qu'on s'y fera à nouveau d'aussi belles vacances que celles-ci!















4 commentaires:

  1. Fin Mars ! Mais c'est beaucoup trop tot !!!

    RépondreSupprimer
  2. Non , les rizières seront toutes vertes et il fera pas encore trop chaud, ça va être tro bien!

    RépondreSupprimer
  3. Le gâteau de riz c'est bon mais ça cale^^

    Je vois que vous êtes vraiment gâtés par tout le monde, va pas trop falloir s'habituer sinon une fois en France ça va vous faire tout drôle :P


    Et puis les paysages ont l'air magnifique, je suis trop jalouse

    Bisous

    PS : sans vouloir raconter ma vie, je serai de retour à Paris pour le 1er Juillet \o/

    RépondreSupprimer
  4. Oui je crois que le retour à Paris risque d'être rude au niveau de l'amabilité collective... Heureusement que tu seras de retour dans le coin pour compenser un peu!

    PS: si tu veux voir les paysages, viens donc avec ta soeur.

    RépondreSupprimer